Etre en cotutelle avec l’Université de Bayreuth : le témoignage de Sara

 

Nous avons rendez-vous avec Dr. Sara Graveleau, docteure en histoire et actuellement en contrat postdoctoral à l’Université Grenoble Alpes dans le cadre d’un projet ANR sur les humanités numériques. Elle a réalisé sa thèse en cotutelle avec l’Université de Bayreuth et nous raconte aujourd’hui son expérience.

Bonjour Sara. Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

J’ai toujours aimé l’histoire : quand je partais en vacances à l’étranger avec mes parents, je visitais les musées, les églises, je m’intéressais aux vieilles pierres. Le choix d’un parcours en histoire était donc une évidence. J’étais à ma place.

J’ai ainsi commencé par une licence à l’Université de Cholet puis un Master à l’Université d’Angers, où j’ai ensuite poursuivi en doctorat, en cotutelle avec l’Université de Bayreuth. Comme j’ai toujours voulu enseigner, j’ai choisi de préparer le concours CAFEP : je l’ai réussi, j’ai été titularisée mais je me suis finalement mise en disponibilité pour pouvoir travailler sur le projet de recherche BASNUM jusqu’à l’été 2021.

 

Vous semblez réussir à maintenir le lien avec la recherche après l’avoir finalement quitté. Comment cela s’est-il passé ?

C’est une question de réseau. Peu avant la fin de ma thèse, j’avais pris l’initiative de contacter les principaux coordinateurs de ce projet pour les inviter à mon jury de thèse. Malheureusement, ils n’étaient pas disponibles mais s’étaient montrés très intéressés par mon sujet de thèse. Ils m’ont recontactée quelques temps plus tard pour me proposer de rejoindre l’équipe en tant que chercheuse postdoctorale. J’ai alors fait une demande de mise en disponibilité auprès de l’Education Nationale, qui a été acceptée, et j’ai ainsi pu intégrer l’équipe. J’y apporte mon expertise d’historienne sur Basnage de Beauval et ses réseaux.

 

Revenons maintenant à vos débuts et à votre formation doctorale tout particulièrement. Comment ce projet s’est-il mis en place ?

C’est dans le cadre de mon master que j’ai rencontré celui qui allait devenir par la suite mon encadrant de thèse. C’est rassurant de savoir que la personne qui va vous encadrer sur un projet long vous connaît, connaît votre mode de fonctionnement. Ça l’est d’autant plus quand cette expérience de Master s’est très bien passée. Quand il m’a proposé de candidater sur le projet doctoral qu’il venait de soumettre à la région pour financement, j’ai sauté le pas.

Ce projet allait me permettre de continuer à travailler sur les questions des minorités. En passant du master au doctorat, je passais de l’étude d’une communauté à celle d’un individu de cette communauté. J’allais pouvoir approfondir le sujet et accéder à des ressources européennes.

 

La cotutelle a-t-elle été un autre élément décisif ?

Non, pas réellement, dans le sens où j’ai appris que le projet serait co-encadré après avoir décidé de me lancer ! Pour être franche, je ne connaissais pas réellement ce dispositif. J’avais même un peu peur car je n’avais aucune notion d’allemand. On m’a rassurée en me disant que je pourrais interagir en anglais sans problème. Cependant, j’avais décidé de prendre quelques cours d’allemand avant de partir.

 

Faire un doctorat en cotutelle signifie être co-encadré. Comment s’est passée votre rencontre avec votre deuxième encadrante de l’Université de Bayreuth ? Quelles ont été vos relations avec elle ?

Je l’ai rencontrée lors de l’entretien de recrutement. Je savais qu’elle connaissait bien mon encadrant français, notamment grâce à leur appartenance commune au réseau des historiens spécialistes du protestantisme à l’époque moderne, mais ils n’avaient jamais encore travaillé ensemble dans le cadre d’une cotutelle. Comme mon encadrant français me connaissait très bien et savait comment je fonctionnais, il lui a transmis quelques informations utiles qui ont certainement facilité la relation par la suite. Cette bonne entente entre les deux encadrants est primordiale pour une cotutelle réussie. J’ai eu la chance d’avoir des encadrants présents et réactifs.

 

Vous a-t-elle aidée à vous intégrer lors de votre mobilité à Bayreuth ?

Oui, en effet. Mon contrat de cotutelle prévoyait que je passe trois mois par an à Bayreuth, généralement entre avril et juillet. Lors de mon premier séjour par exemple, à mon arrivée, elle a rassemblé tous ses étudiants et les doctorants pour que je puisse les rencontrer. Elle organisait également tous les ans et à la fin de mon séjour à Bayreuth un séminaire de quelques jours au cours duquel tous les travaux étaient présentés. Cela m’a permis de créer du lien avec ces personnes que je revoyais d’une année sur l’autre. Elle a également veillé à ce que je ne passe pas mon temps uniquement à la bibliothèque en m’invitant à suivre ses cours d’histoire moderne, ce qui m’a permis de continuer ma socialisation.

 

Vous venez de mentionner le contrat de cotutelle, qui est une pièce centrale dans le lancement du projet. Quels sont les éléments auxquels il faut faire attention ?

Ce que je vais mentionner n’est pas exhaustif et relève de mon expérience personnelle. Il est en tout cas important d’avoir une bonne compréhension des exigences des deux universités en ce qui concerne le doctorat.

La première chose est de s’assurer de la langue dans laquelle la thèse va pouvoir être rédigée. Dans mon cas, j’ai pu choisir de rédiger en anglais ou en français avec un résumé en anglais.

Il faut savoir également que le délai entre la remise du manuscrit et la soutenance n’est pas le même selon les universités : connaitre celui auquel vous serez soumis n’est vraiment pas superflu !

Le contrat prévoit également la composition de votre jury - combien de personnes, quels profils, possibilité de les inviter par visio…- ou bien encore les prérequis pour la soutenance, comme par exemple les documents à transmettre impérativement.

Le principe de la cotutelle est de permettre aux doctorants de passer une partie de leur formation dans le pays partenaire : le contrat précise le calendrier de cette mobilité, qui se négocie entre les deux institutions et en fonction du projet.

Enfin, il faut savoir par exemple qu’en Allemagne, le volume du manuscrit pour les doctorats en sciences humaines est limité. Dans mon cas, cette limite était fixée à 500 pages. Pour éviter d’avoir à le reprendre et le raccourcir, mieux vaut avoir cette information bien en amont !

 

Nous venons de voir quelques points de vigilance sur la cotutelle. Mais la cotutelle n’est pas qu’une compilation d’éléments administratifs, loin de là ! Pouvez-vous nous dire en quoi cette expérience entre Angers et Bayreuth a été bénéfique ?

Elle a été très bénéfique tant sur le plan scientifique que sur le plan personnel. Le fait d’avoir un double encadrement permet de bénéficier d’expertises complémentaires, enrichissant ainsi l’axe de recherche. C’est également une bonne opportunité d’accéder à de nouvelles ressources et de développer de nouveaux réseaux européens ou internationaux. J’ai ainsi pu participer à de plusieurs conférences et autres événements scientifiques, dans lesquels j’ai rencontré de nombreux chercheurs internationaux. Nous avons gardé le lien et nous continuons à nous citer réciproquement pour nos articles. Enfin, je pense que sans mes trois séjours de trois mois intensifs à Bayreuth, je n’aurais pas réussi à finir ma thèse en 3,5 ans, délai finalement peu courant en sciences humaines.

Sur le plan personnel, l’enrichissement a été également très important. Bien évidemment, il y a les découvertes culturelles et linguistiques. Mais c’est aussi, et surtout, une découverte de soi-même. Cette mobilité à Bayreuth était ma première expérience de mobilité « seule ». J’ai appris à vivre différemment, à sortir de ma zone de confort. Quand je suis arrivée à Bayreuth sans connaître personne, j’ai eu l’impression de repartir de zéro.

 

Nous avons vu que la cotutelle n’était pas ce que vous aviez imaginé au départ mais que vous ne regrettiez pas cette expérience. Vous n’aviez pas non plus imaginé faire de la recherche à Bayreuth. Est-ce que l’Université de Bayreuth était finalement le bon choix ?

Oui, pour plusieurs raisons, essentiellement personnelles. J’ai fait mes études dans deux petites universités, Cholet et Angers, où tout le monde arrivait à se connaître et où on arrivait à tisser des relations intéressantes avec les enseignants. Nous n’étions pas que des étudiants dans des amphis. C’était important pour moi de retrouver une ville et une université à taille humaine, dans lesquelles je pouvais vite prendre mes marques : j’ai retrouvé cela à Bayreuth.

Comme vous le savez, je suis passionnée d’histoire et de culture. Bien que de taille moyenne, la ville de Bayreuth offre de nombreuses possibilités dans ce domaine. Elle est également très bien située et j’ai pu découvrir facilement d’autres villes allemandes, comme Berlin, Bamberg ou Würzburg. Il est également très facile de se rendre en République Tchèque, car la frontière est proche. Au-delà de l’offre culturelle, Bayreuth est située dans une très belle région où la nature a sa place, avec de nombreuses forêts, de nombreux lacs. J’ai beaucoup aimé l’ambiance des Biergarten. Elle a changé la vision que j’avais de l’Allemagne.

Enfin, j’ai participé à différentes activités proposées par l’Université de Bayreuth pour faciliter l’intégration des chercheurs internationaux. Tout ceci a fait que je me suis sentie bien accueillie.

 

Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il y a les cours d’allemand, que je suivais avec tout un groupe d’étudiants et de chercheurs internationaux. Avec certains d’entre eux, nous avons même organisé des visites touristiques dans la région et au-delà. Ce que j’ai trouvé très sympathique, c’est que l’offre culturelle se déplaçait au sein du campus : nous pouvions assister régulièrement à des concerts, des séances de ciné… sur le campus. L’Euro de foot y était retransmis et je me souviens très bien de l’ambiance qui régnait lors d’un match de foot entre l’Allemagne et la France. Le campus de Bayreuth est un lieu qui vit.

 

Nous aimerions terminer cet entretien par quelques conseils pour des étudiants et des doctorants qui envisageraient de faire une cotutelle avec Bayreuth. Lesquels pourriez-vous donner ?

Pour les non-germanophones, je leur dirais que la langue n’est pas un souci. On arrive facilement à communiquer puisque le campus est international et qu’avec la langue anglaise on s’en sort. Réaliser un doctorat en cotutelle est un réel enrichissement personnel : il est normal d’avoir quelques appréhensions mais vous y gagnerez en les surmontant et en vous lançant. C’est une expérience très chouette !

 

Merci beaucoup pour votre témoignage, Sara !

 

Les bureaux de liaison de l’Université de Bayreuth à Shanghai, Melbourne et Bordeaux se tiennent à votre disposition pour vous accompagner sur la mise en œuvre de votre projet de cotutelle.